Myriam Marcil-Bergeron

Le paysage atlantique dans Lettres à ma fille de Jean Désy

Entre projection et plongée

Je rêve souvent de pêche aux portes de la mer, entre les mondes que j’aime le plus, ceux des eaux, de la terre et des cieux. Mes souvenirs sont indélébiles, comme la senteur sucrée des épinettes, comme l’éclatante lumière qui file dans une saulaie.
Jean Désy, Lettres à ma fille

1Si le récit de voyage profite depuis les années 1980 d’un engouement éditorial (Pasquali, 1994) et d’un renouvellement de la recherche (Holtz et Masse, 2012), l’idée selon laquelle le XXe siècle aurait signé la fin des voyages demeure assez répandue1. La disparition des blancs sur la carte de la terre, combinée à des moyens de transport plus accessibles et plus rapides, sans parler des effets de la mondialisation, aurait dévalorisé les déplacements au point qu’ils seraient spontanément et péjorativement associés au tourisme. Ainsi, l’une des premières questions qu’affronte la critique du récit de voyage contemporain concerne l’existence même de son objet d’étude. Or, que les façons de parcourir et de percevoir l’espace se soient modifiées n’a pas invalidé le voyage ; elles ont plutôt contribué à en multiplier les possibilités, à mettre de l’avant les fondements d’une poétique de la géographie (Onfray, 2007) et, surtout, elles ont favorisé le constat d’une double fragilité : celle du sens des voyages et de l’état de l’espace parcouru. En étudiant les stratégies d’écriture et la mise en forme du voyage, la critique aborde le « réaménagement verbal du monde » (Hambursin, 2005 : 15) auquel se livre l’écrivain-voyageur. Elle peut recourir à la notion de paysage pour mieux comprendre le rapport intime qui s’établit entre l’être humain et un certain espace géographique.

2Jean Désy, médecin, poète et écrivain-voyageur, fait paraître en 1997 Lettres à ma fille2, un récit de trente-six lettres adressées à sa fille Isabelle, racontant un voyage sur le fleuve Saint-Laurent et l’océan Atlantique, entre Québec et La Rochelle, en France. Par une approche géopoétique, dont je présenterai dans un premier temps les principaux repères, je dégagerai les deux pôles qui définissent le paysage atlantique chez Désy, soit la projection du voyageur vers le dehors et la plongée dans ses souvenirs du Nord et de la forêt. Il s’agira de voir comment le récit donne forme à la saisie sensorielle d’un espace géographique que l’écrivain-voyageur découvre pour la première fois et témoigne d’un enrichissement du rapport au monde par l’expérience de la haute mer. Après avoir observé la manière dont s’élaborent les représentations de l’Atlantique et comment celles-ci puisent dans les paysages nordiques et sylvestres, je réfléchirai à ce que la notion même de paysage offre au récit de voyage contemporain, notamment par les enjeux écologiques qu’il soulève.

Une approche géopoétique

3Développée dans les années 1980 par le poète, essayiste et voyageur Kenneth White, la géopoétique se veut un champ de recherche et de création au croisement de la géographie, de la philosophie et de la littérature. Démarche transdisciplinaire, elle propose une réflexion critique sur les liens entre l’homme et la terre, où la pratique du dehors, par la marche et le voyage, notamment, vise à définir une véritable poétique d’existence. En effet, la géopoétique ne représente pas un thème lyrique célébrant la poésie du terroir, mais invite plutôt à envisager le monde comme « ce qui émerge du rapport sensible et intelligent entre l’esprit et la terre » (White, 1994 : 25). Trois principes fondamentaux permettent non seulement de nourrir une démarche orientée vers le dehors, mais d’ouvrir des pistes de réflexion sur le récit de voyage, soit la posture critique, l’appel d’un espace géographique particulier et le mouvement, qui entraînent l’individu à « densifier sa sensation du monde au contact du lieu qu’il explore » (Roncato, 2008 : 79).

4Par une approche géopoétique, j’entends m’intéresser à la force motrice du voyage, qui attire l’être vers le dehors et convoque des souvenirs liés à des espaces géographiques vécus et appréciés. Souvent évoquée par Kenneth White dans ses textes3, cette force se présente comme un appel éminemment intime, propre à chacun, visant à décentrer l’individu de ses préoccupations habituelles afin de donner une place signifiante au milieu dans lequel il vit ou qu’il découvre pendant un voyage : « Un appel qui vous attire au-dehors. Toujours plus loin au-dehors. Jusqu’à n’être plus cette personne trop connue, mais une voix, une grande voix anonyme venant du large, disant les dix mille choses d’un monde nouveau » (White, 1994 : 13).

5Cette force implique un rapport privilégié avec le paysage, puisque celui-ci prend forme à partir du moment où une portion d’espace est appréhendée et que diverses qualités lui sont attribuées. En effet, « [l]e paysage est une lecture, indissociable de la personne qui contemple l’espace considéré » (2001 : 11), écrit Alain Corbin. En le définissant ainsi, il écarte d’emblée la notion d’objectivité, qui limiterait le paysage à sa matérialité, c’est-à-dire à ce qui a trait à sa formation « selon la tectonique, le modelé, l’évolution des milieux naturels, celle de la flore et de la faune, les systèmes de production et d’échange ainsi que, plus généralement, selon les modes d’intervention de l’homme » (Corbin, 2001 : 11). Pour sa part, Charles Avocat aborde plutôt l’étude du paysage en reconnaissant d’emblée la nature polysémique de celui-ci et l’ambiguïté de sa définition : il « serait aussi bien l’action de percevoir le pays que l’observation des traits qui le caractérisent » (1982 : 334). L’un des principaux apports théoriques des travaux d’Avocat tient justement à la reconnaissance d’un objet paysage, lié au sujet qui l’appréhende (1984 : 13) : « Il y a donc autant un acte de paysage, qui privilégierait la perception globale, qu’un objet paysage, susceptible d’être maîtrisé de façon analytique, rationnelle et, pour tout dire, scientifique » (1982 : 334). Cette saisie subjective de l’espace, c’est-à-dire l’acte de paysage, apparaît justement comme l’un des éléments d’analyse privilégiés par l’approche géopoétique du récit de voyage (Bouvet et Marcil-Bergeron, 2013). S’interrogeant sur les bases d’un rapport sensible et intelligent à la terre, elle se montre attentive à la manière dont les écrivains-voyageurs perçoivent et expriment ce « point de rencontre » (Avocat, 1984 : 14) entre le dehors et eux.

6Dans ses premières lettres, Désy indique qu’il ne connaît de l’océan que ses représentations (littéraires et cinématographiques, entre autres), et que « pour [lui], la haute mer reste un mythe » (LF : 29). La navigation sur le fleuve Saint-Laurent lui permet de repérer plusieurs villes et villages où il s’est déjà rendu, mais il ne sait pas à quoi s’attendre pour la suite du voyage, n’ayant jamais vécu l’expérience du grand large. D’emblée, c’est l’acquisition du langage marin – le nom des différentes parties du bateau, des voiles et des manœuvres, notamment – qui se présente comme la première étape d’un apprivoisement de la navigation hauturière. Les quelques jours passés sur les eaux du fleuve permettent à Désy de préparer son expérience de l’Atlantique4 et, par conséquent, celle du paysage marin, puisqu’il se dote du vocabulaire et des expressions nécessaires pour rendre compte d’un quotidien balloté entre vagues et vent dans les voiles5. Sa traversée à bord de l’Alegria l’amène ensuite à découvrir les épreuves physiques de la vie en voilier, de même que plusieurs caractéristiques qui influencent la saisie sensorielle du paysage du grand large.

Quand le paysage déborde du cadre

7La navigation implique que le point focal à partir duquel l’espace océanique est perçu, et peut devenir l’objet d’une représentation paysagère, se déplace constamment. En effet, sauf lors des périodes de grand calme, le voilier frémit à cause du moteur, utilisé principalement au début du voyage, ou se balance au gré des vagues. Il est poussé selon la vitesse des vents dans la voilure, faisant en sorte que le corps peine parfois à garder son équilibre :

On peut à tout moment se frapper la tête. On se retrouve sens dessus dessous en deux temps trois mouvements quand la vague frappe de travers […], c’est comme ça dans un voilier qui atteint quasiment sa vitesse de coque sur l’eau forcenée (LF : 36-37).

8L’acte de paysage, défini par Avocat comme le moment où un sujet délimite une portion de l’espace et lui donne forme par ses connaissances, ses émotions et ses valeurs, renvoie au cadrage d’une scène. Mais plusieurs aspects imprévisibles et irréguliers propres à la navigation expliquent qu’il soit parfois difficile de s’adonner à la contemplation en mer ou même de chercher à fixer la ligne d’horizon. En fait, le paysage est non seulement marqué par la nature mouvante de l’océan, mais par le mode de vie nomade qu’affectionne particulièrement Désy. Le nomadisme, qui invite à se déplacer beaucoup, de façon presque continue, et implique de choisir des escales en fonction de l’emplacement d’un refuge, par exemple, ou de bâtir des abris prêts à être démontés aisément, est intimement lié au sentiment d’habiter pleinement la terre :

Le nomadisme demeure peut-être la seule vraie façon de peupler un pays tous azimuts. Sinon, des terres entières restent incultes ou se désertifient. Un pays sans nomades peut même finir par mourir. Habiter une mince bande de terre sur les rives d’un grand fleuve est toujours plus facile que d’aller vivre au Nord. Mais c’est oublier que la Vie, foncièrement dynamique, tolère mal l’immobilité forcée (LF : 50-51).

9La « coquille de noix » (LF : 12) sur laquelle s’est embarqué l’écrivain-voyageur constitue l’unique refuge sur lequel comptent les quatre membres de cette traversée de l’Atlantique. Il s’agit néanmoins d’une habitation ouverte sur le dehors, conçue pour le mouvement et pour une progression permise entre autres par la force des vents, des vagues et des courants. Ainsi, lorsque Désy précise qu’il n’aime pas le mot « cadre », à cause de son caractère fixe et indélogeable, c’est un refus du mode de vie sédentaire qu’il exprime :

Le simple fait de dire cadre me dérange. On place un cadre sur le mur d’une maison, le temps passe, le cadre s’incruste et finit par faire partie de la charpente. Tout jaunit ; les plafonds et les planchers craquent. Mais bizarrement, le cadre se fait de plus en plus indélogeable. On peut le dépoussiérer d’un coup de plumeau, mais guère plus ; le cadre devient permanent, plus que la vie qui bat (LF : 50).

10Cette critique d’une sédentarité qui ensevelit la sensation d’exister sous le poids de la routine participe à la force qui projette l’écrivain-voyageur vers de nouveaux espaces, le met en mouvement. Elle influence également la mise en forme du paysage atlantique. Celui-ci semble s’échapper, glisser au-delà de ce que peut cadrer le voyageur, révélant ainsi l’insuffisance de la dimension visuelle à rendre compte de l’expérience de la navigation hauturière. À cet égard, il faut souligner la quasi-absence du mot « paysage » dans l’ensemble du récit, sinon pour signifier qu’il n’y a alors rien à voir : « Il a plu des clous ce matin. Le paysage, uniment, était gris » (LF : 64). La sensation de mouvement continu l’emporte sur la contemplation, puisque les éléments visuels qui pourraient faire émerger le paysage atlantique lors des nuits de veille se révèlent absents eux aussi :

[L]a houle s’est encore mise à brasser le bateau. J’étais de quart entre minuit et trois heures. Pas la moindre lune, pas la plus petite étoile, rien qu’un noir profond causé par un ciel encombré de nuages (LF : 106).

11Le parcours de l’Alegria offre peu d’instants contemplatifs devant une mer étale. Néanmoins, l’un des éléments constitutifs du paysage atlantique est la faune océanique, à laquelle l’écrivain-voyageur accorde une grande attention. Non seulement la présence des nombreux oiseaux de mer et des mammifères marins ponctue la traversée, mais elle participe selon Désy au rythme vital du milieu océanique : « Le jour où on ne les verra plus, il faudra comprendre que la mer agonise vraiment » (LF : 70). En s’aventurant très loin de toute terre et en accompagnant la route du voilier, les oiseaux de mer connotent l’appel du large ; plus encore, le constat des multiples formes de vie, la plupart invisibles à l’œil nu, renforce cette impression que le paysage atlantique, s’il demeure forcément la saisie d’une infime portion de la haute mer, permet de renouer les liens entre l’humain et son milieu :

[L]a vie animale prend une importance qu’elle perd à proximité des villes où l’humain oublie qu’il n’est pas seul à habiter la planète. […] Mais il y a plus : tout navigateur partage sa solitude avec mille milliards d’autres êtres, tout aussi vivants que lui (LF : 80).

12De la même manière qu’il prépare son expérience du large en se familiarisant avec le langage technique propre à la voile, Désy nomme les différentes espèces animales croisées pendant la traversée. Pétrels, puffins, mouettes, bélugas, dauphins « donnent un surplus de sens » (LF : 64) à cette navigation hauturière en amenant l’écrivain-voyageur à intégrer au paysage atlantique toutes formes de vie et à les considérer non pas comme les objets d’un décor, mais bien comme différentes présences au monde (White, 1978). La faune océanique constitue sans aucun doute le principal élément visuel que l’écrivain-voyageur perçoit et intègre au paysage.

13Ce dernier est marqué par l’une des caractéristiques propres à l’espace océanique, soit le rythme irrégulier du roulis, un mouvement qui s’interrompt rarement et peut être si agité qu’il empêche l’œil de fixer la mer : « [L]es eaux sont parfois tellement agitées qu’on ne peut même pas les regarder : tout tourne trop » (LF : 110-111). La proximité entre l’écrivain-voyageur et l’immensité liquide et mouvante sollicite alors une véritable « conjugaison des sens » (Le Breton, 2006). En effet, comme le rappelle David Le Breton, l’être humain « baigne » dans une activité perceptive incessante lui permettant de donner sens au monde dans lequel il vit : « Le corps est un filtre sémantique. Nos perceptions sensorielles, enchevêtrées à des significations, dessinent les limites fluctuantes de l’environnement où nous vivons » (2006 : 19).

14Au large, l’océan ne connaît plus aucune borne semblable à celle d’un rivage terrestre ; le voilier devient rarement un poste d’observation stable permettant d’apprécier la vue d’une certaine étendue spatiale. Pourtant, Anne Cauquelin considère que deux opérations s’avèrent « indispensables à l’avènement d’un paysage : le cadrage, tout d’abord […]. Puis un jeu de transports avec les quatre éléments dont se constitue pour nous la Nature » ([1989] 2011 : 120). Elle précise :

Car le cadre coupe et découpe, il vainc à lui seul l’infini du monde naturel, fait reculer le trop-plein, le trop-divers. La limite qu’il pose est indispensable à la constitution d’un paysage comme tel (Cauquelin, [1989] 2011 : 122).

15Confronté au « trop-plein » du dehors océanique, Désy ne cherche pas à le mettre à distance, à prendre du recul pour mieux le cadrer. Son corps incarne la limite qui lui fait prendre la mesure – la démesure – de la haute mer. Le paysage atlantique déborde du cadre, car il ne s’arrête pas à la coque du bateau. Il s’infiltre à bord : que ce soit dans le poste de pilotage, dans la cabine ou sur le pont, il est perçu par tout le corps. Il s’agit sans aucun doute de l’une des caractéristiques qui distingue radicalement le paysage marin vécu au gré des flots de celui perçu de la terre ferme. Car Cauquelin, même si elle affirme que le paysage n’est possible qu’en admettant qu’il « “continue” derrière le cadre, à ses côtés, loin, bien loin, encore et toujours, à l’infini » ([1989] 2011 : 125), réitère que l’opération d’un cadrage s’avère la condition nécessaire à son émergence.

16Mais dans les Lettres à ma fille, tous les sens sont sollicités, se relaient l’un l’autre et permettent à l’écrivain-voyageur de « donner corps » à un paysage qui s’accorde à la nature dynamique du dehors océanique. Celui-ci emplit les oreilles, glisse sur la peau, fait osciller le regard par ses coups de roulis ; ses odeurs deviennent des saveurs lorsqu’elles se « fondent » au corps du matelot.

Ce goût d’eau salée dans la moustache, la mer qui ruisselle dans le cou : on n’oublie jamais. Le sel de la tempête mêlé à la sueur, la mer qui frappe jusqu’à rendre les drisses hystériques : on n’oublie jamais. Les nuages qui obscurcissent le ciel, le bruit qui résonne dans les oreilles jusqu’aux tréfonds du cerveau : on n’oublie jamais (LF : 100).

17La distinction usuelle entre le sujet percevant et l’espace perçu tend ici à s’estomper pour faire place à une résonnance entre l’homme et la mer. Le paysage atlantique se forme de telle sorte qu’il est impossible d’oublier le rythme de la navigation, qui soustrait l’écrivain-voyageur à la prédominance de la dimension visuelle6 et favorise plutôt la mise en évidence d’une polysensorialité propre à l’expérience du grand large.

« Dans le ventre d’un voilier » ou l’intimité des paysages

18Tout en recherchant le contact le plus dense possible avec le dehors, l’écrivain-voyageur porte en lui le souvenir d’autres paysages vécus, certains qui l’ont marqué plus fortement et qui orientent son rapport au monde. S’ils peuvent susciter ou nourrir le goût du voyage et du nomadisme, Cauquelin considère qu’ils jouent un rôle dans l’expérience sensorielle de nouveaux espaces et entraînent une configuration particulière du paysage, intime, propre à chacun :

Se pourrait-il qu’il y ait des sortes d’a priori de notre sensibilité au paysage, telles que, les mettant en œuvre, nous les oublierions et croirions toujours être en accord parfait et original avec la « nature » ? Plus encore : le paysage semble traduire pour nous un rapport étroit et privilégié avec le monde, représente une harmonie comme préétablie ([1989] 2011 : 19).

19En effet, ces a priori, des affinités qui guident l’attention du voyageur, l’amènent à privilégier certains aspects lors de sa découverte d’un espace géographique et orientent la saisie du paysage. Lorsque Désy mentionne que « [l]e Nord, pour [lui], représente le lieu des plus parfaits éblouissements » (LF : 25) et que, pendant longtemps, le mot « nature était […] synonyme de forêt » (LF : 55), il dévoile deux éléments évoquant la sensibilité qui le lie au monde et marque son rapport au paysage. La Côte-Nord, le Grand Nord québécois et la forêt boréale, notamment, sont des espaces géographiques que Désy affectionne et qui participent à son expérience de l’océan Atlantique. Présentes tout au long du récit par les souvenirs et les rêveries racontées, les images du Nord, tout comme celles de la forêt, mettent en évidence le besoin de l’écrivain-voyageur de s’éloigner d’un quotidien urbain afin de retrouver une pleine sensation d’exister :

Je rêve de vivre avec toi, ma fille, dans un coin de forêt tranquille, près d’une rivière pleine de truites. C’est ce que j’ai de mieux à t’offrir. En ville, je ne suis qu’un passant, une ombre, un étranger, un mince filet d’eau trouble. Mais en forêt… Je rêve d’une petite rivière cascadant sur des pierres rondes (LF : 119).

20Si la rêverie de paysages autres que marins occupe une place considérable dans ces Lettres à ma fille, la forme épistolaire du récit y contribue certainement. L’adresse à Isabelle abolit la distance entre le voyageur et sa famille, cherche à « jeter un pont sur la séparation » (Haroche-Bouzinac, 1995 : 70). Les moments de solitude favorisent un dialogue avec sa fille, présente tout au long de la traversée grâce à la relation épistolaire. Presque au terme du voyage, il écrit :

Maintenant, j’ai le sentiment de savoir exactement pourquoi j’ai été mis au monde. Il me faudra voyager de nouveau, dans le rêve comme au sein du réel. […] J’aime te parler. Je me dis : cette fille, à douze ans, avec les rêves qui pétillent dans ses yeux, c’est un peu moi, avec sa fougue et son assurance devant les éventuels mauvais coups du sort (LF : 138).

21En privilégiant un point de vue qui tend vers l’enfance, où ce n’est pas d’établir un rapport de force avec la nature qui compte, mais plutôt de viser « une relation plus intuitive et plus harmonieuse avec le monde » (LF : 21), la forme épistolaire du récit intensifie les valeurs d’intimité et de refuge associées au voilier. Le temps de la traversée, il devient plus qu’un simple moyen de déplacement, car il crée un espace habitable au large de tout rivage, au cœur des flots calmes ou agités7. Un lien très fort se tisse entre l’écrivain-voyageur et le voilier, qui va jusqu’à symboliser l’origine même de la vie :

On vit dans le ventre d’un voilier comme on vit dans le ventre de sa mère. On gîte, on penche de côté, on surfe, on a le cœur libre ou bien le cœur écrasé. […] on ne peut faire autrement que de toucher au meilleur et au pire de soi-même, au plus terrible et au plus beau (LF : 36-37).

22Les épreuves physiques d’un voyage au large, avec le roulis constant, le mal de mer et l’exiguïté du bateau où vivent trois autres personnes, mettent en évidence à quel point Désy se trouve confronté à la fois au dehors et à lui-même. Même s’il représente l’unique foyer perceptif du grand large, le voilier favorise aussi le surgissement d’autres paysages grâce à la proximité physique de l’homme et de la mer, séparés uniquement par la coque du bateau : « J’ai dormi tranquille. Ma tête touchait presque l’étrave. […] je m’y sens comme dans une tente, loin du bruit du moteur, à l’abri » (LF : 33).

23La navigation à la voile déploie un imaginaire du refuge dans la mesure où, tout en rendant possible l’expérience de l’espace océanique dans sa nature mouvante, elle invite le voyageur à revisiter les paysages qu’il porte en lui et qui, ce faisant, participent aussi à sa traversée8. Lorsque Désy écrit : « Je me sers de la pureté ambiante et de la grave immensité pour mieux plonger au fond de moi » (LF : 92), la proximité entre l’insaisissable étendue géographique de l’Atlantique et la profondeur dans laquelle il glisse, parmi ses souvenirs et ses rêveries9, rappelle la consonance entre l’être et le dehors évoquée par Gaston Bachelard : « [L]’immensité du côté de l’intime est une intensité, une intensité d’être, l’intensité d’un être qui se développe dans une vaste perspective d’immensité intime » (1957 : 176).

24En plongeant en lui, le voyageur retrouve les paysages qui lui sont chers, ce qui lui permet, d’une part, d’affronter les désagréments causés par un environnement exigu, envahi par les odeurs d’essence et de transpiration, et, d’autre part, d’appréhender l’espace océanique d’une manière singulière, personnelle. L’« immensité intime » qui se développe au fil de la navigation hauturière met en évidence le point d’ancrage10 symbolique du voyageur, c’est-à-dire la sensibilité qui lui est propre et par laquelle il perçoit le grand large. Si j’ai mentionné plus haut l’insuffisance du regard à saisir l’espace océanique, voire le refus de tenter de le cadrer, il importe maintenant de préciser que la mer telle qu’elle se donne à voir par l’écriture de Désy puise plusieurs éléments dans les paysages qui orientent le rapport au monde de l’écrivain-voyageur. En fait, la dimension visuelle du paysage atlantique ne repose pas principalement sur une observation in situ de l’espace, mais se nourrit des souvenirs et des rêveries du Nord, de la forêt et de la montagne, autrement dit, des paysages privilégiés par Désy :

La mer : éternellement ranimée par les appels venus des profondeurs. La mer, les Alpes, les Rocheuses, les Andes, l’Himalaya, puis la cime suprême : le Chomolungma. La mer : plaine suivie de collines boisées, de crêtes blanches, de flancs écumeux où la nuit souffle violemment. La mer : des pics neigeux où il n’y a plus d’arbres, pas même un plant de lichen, que des sommets reliés par une houle de fin d’après-midi (LF : 118).

25L’intensité dans laquelle l’écrivain-voyageur plonge pendant sa navigation hauturière l’amène à représenter l’Atlantique par des vagues de roc, un couvert végétal et même le sol gelé de la toundra. Non seulement le tangage du voilier représente l’un des facteurs qui empêchent le voyageur de prolonger sa contemplation de l’espace océanique, mais les affinités géographiques qui lui sont propres font en sorte que le paysage ne se forme pas à partir d’un ensemble d’éléments uniformément répartis, cadrés en un moment précis : il « se développe autour d’un point, en ondes ou vagues successives, pour se concentrer à nouveau sur cet unique objet, reflet où viennent se prendre tout à la fois la lumière, l’odeur, ou la mélancolie » (Cauquelin, [1989] 2011 : 13-14).

26Le point d’ancrage symbolique du paysage atlantique des Lettres à ma fille se déplace constamment, d’une part en raison de la navigation et de la nature de l’espace océanique, mais d’autre part parce qu’il trouve sa source dans l’élan même de la rêverie éveillée, qui entraîne Désy à rechercher sans cesse le rapport le plus direct avec le dehors. Elle favorise à la fois un décentrement du sujet écrivant et la représentation d’un paysage qui se nourrit de plusieurs autres. La rêverie suscite le mouvement et multiplie les points de vue sur la mer, provoquant même des changements d’échelle :

Du haut de la lune où je me balance à tout moment, j’aperçois un petit bateau voguant vers la France. […] Le voilier va lentement, aussi lentement que vont les flots, le vent et les courants. Arriver n’a plus d’importance ; je suis transporté par le voyage. Du haut de la lune où je me trouve, je vois une petite coque de fer polie sur la mer, coque blanche sous un puits de douce lumière (LF : 80-81).

27Les images qui prennent forme à partir du voilier semblent bercées par les flots (Bachelard, [1942] 1993), au point que la navigation tend à représenter chez Désy une manière d’être au monde particulièrement proche de la rêverie, de ces « rêves qui [l]’aspirent, qui [l]e rongent, qui [l]’enivrent » (LF : 13). Elle contribue à la fluidité avec laquelle prend forme le paysage atlantique et au fait que l’ensemble du récit connote l’émerveillement de l’écrivain-voyageur pour le grand large. Cependant, il faut aussi mettre en évidence certains éléments qui témoignent chez Désy d’une réflexion critique et écologique, notamment par le constat de cette double fragilité évoquée en introduction – à la fois celle du sens des voyages et de l’espace parcouru.

De la navigation à la figure de la cabane

28C’est la possibilité même du paysage qui est remise en question lorsque le rapport entre l’être humain et son milieu se subordonne à l’omniprésence de la machinerie et à l’impératif de la vitesse : « Notre voilier n’est qu’un bateau parmi les autres quand il dépend de son moteur et du carburant. […] Cela fait du bruit, du vacarme, de la saleté » (LF : 35). Même s’il ne s’agit pas de refuser en bloc tout ce qu’apporte le progrès technique, Désy montre que c’est en prenant conscience des interférences entre soi et le dehors qu’il est ensuite possible d’expérimenter celui-ci de la manière la plus sensible. Puisque naviguer à la voile implique la dépendance du bateau à l’océan, par la façon dont il se dirige et dont il progresse à l’aide des vents et des courants, le voyageur se trouve alors à la jonction des immensités du ciel et de la mer, où « [u]n bateau cesse de n’être qu’un bateau lorsqu’il roule dans la beauté des eaux et que le vent se met à rire dans ses voiles » (LF : 35).

29En invitant à une plus grande attention au dehors, voire à un (ré)apprentissage de la lenteur, la navigation à la voile entraîne également le voyageur à affronter l’état parfois inquiétant de la mer. Mais il ne suffit pas de dire les dégâts dus à la pollution ni la répulsion ressentie ; c’est en prenant la mesure de la présence de l’être humain au monde et surtout de son impact sur celui-ci que le paysage atlantique devient un appel à la sensibilisation écologique :

Dans cette fantastique irréalité, la réalité pèse de tout son poids, à cause des déchets que nous rejetons. […] Nous croisons très souvent des bouts de planche à la dérive, des vêtements, des nappes d’écume aux teintes suspectes. Révoltant ! La mer se transformera-t-elle bientôt en étang stagnant à cause de nous, voyageurs inconscients des épidémies que nous semons ? (LF : 72)

30Par sa manière de percevoir le paysage atlantique, tout en convoquant ses souvenirs et ses rêveries du Nord, de la forêt et même de la montagne par une plongée en lui – à l’origine de cette « fantastique irréalité » qu’il évoque –, Désy se projette au dehors non pas dans une espèce de fuite, mais bien dans une tentative « d’enraciner » sa présence au monde dans l’expérience la plus dense possible des espaces géographiques qu’il parcourt. Ainsi, le paysage se forme à la fois du rythme propre à la navigation, avec ses déferlantes et ses creux, et de la polysensorialité qui permet au corps d’appréhender l’océan dans ses débordements, voire ses infiltrations.

31Mais le foyer perceptif offert par le voilier favorise également l’émergence d’un paysage qui appelle à une prise de responsabilité des dommages causés par l’être humain à son milieu. Entre l’appel du large et l’intimité du voilier, le paysage atlantique des Lettres à ma fille de Désy présente assurément plusieurs correspondances avec un questionnement au cœur de l’approche géopoétique, mais aussi du récit de voyage contemporain, c’est-à-dire la relation entre l’humain et le monde. Comment habiter la terre ? Comment accorder le besoin d’intimité – et d’un confort minimal – à celui d’un rapport sensible et intelligent au dehors ?

32L’expérience de la navigation à la voile, par la proximité rendue possible entre l’écrivain-voyageur et l’océan Atlantique, donne à penser le paysage en tant que « synthèse entre le monde extérieur et soi, soi et le monde extérieur recréé dans un troisième objet qui est une synthèse » (Giacometti, cité dans Loubes, 2010 : 28). À cet égard, les réflexions de Jean-Paul Loubes apportent un éclairage des plus intéressants pour aborder la notion de paysage dans les Lettres à ma fille. Il propose de considérer la figure de la cabane comme une architecture géopoétique en raison de « sa faculté de mimétisme, d’osmose avec l’environnement avec lequel elle fait corps par son peu d’étanchéité au monde » (Loubes, 2010 : 97). Désy, quant à lui, s’accommode de la multiplicité des départs et privilégie le mode de vie nomade, qui ramène justement l’habiter à sa fonction élémentaire d’abri et implique une ouverture vers le dehors. Loubes précise que

[p]ar la cabane, il s’agit non de se protéger du monde, mais plutôt de développer la figure contraire : faire l’expérience du monde. La porosité des parois de la cabane est fondamentale : porosités visuelles, olfactives, tactiles, poétiques (2010 : 98).

33Le paysage atlantique perçu par Désy appelle à la nécessité du mouvement et à un renouvellement constant du cadrage afin de ne pas perdre la rumeur même de l’espace océanique. Car l’expérience vécue en voilier offre un point de contact entre l’intime et le dehors, à la fois rêvé et réel. Cet accord essentiel, mis en valeur par la figure de la cabane, occupe une place fondamentale non seulement dans les Lettres à ma fille, mais dans d’autres œuvres de Désy (2002, 2003). Éminemment liée au nomadisme, elle incarne le moyen privilégié de rechercher cette pleine présence au monde pour l’écrivain-voyageur : « L’iglou, la tente ou la cabane de rondins ne tolèrent jamais les cadres. Plus l’habitation est précaire et plus ses habitants sont disposés à la découverte, à la quête, à l’envie de bouger » (LF : 50-51).

34Enfin l’approche géopoétique du récit de voyage explore les affinités subjectives qui participent à l’expérience de nouveaux paysages, cherche à se glisser dans les pas de l’écrivain-voyageur, à retracer le parcours qui l’a mené vers de nouveaux horizons11. C’est ce qui fait en sorte, comme le remarque Rachel Bouvet, « que l’on finit par considérer a posteriori certains écrivains comme des géopoéticiens avant la lettre, avant même que ce mouvement ait été fondé, ou encore comme des précurseurs » (2008 : 128). Mais en ce qui concerne les récits de voyage de Désy, ils témoignent, notamment par leurs réflexions sur la figure de la cabane et le mode de vie nomade, d’une véritable pratique géopoétique.

35Entre Lettres à ma fille (1997) et Nomades en pays maori (2003), par exemple, il est possible de retrouver cette même quête de sens, cette projection de l’être dans différents espaces où il lui est possible d’expérimenter un contact plus brut avec le dehors. « Tout commence par une séparation (une disjonction, une dislocation) et avec le désir concomitant d’une unité retrouvée (une nouvelle conjonction, une nouvelle location) », affirme Kenneth White (1978 : 69). Il reconnaît un voyageur comme étant « celui qui passe par le plus de séparations et qui vise, avec tout son être, l’espace unitaire le plus lointain, le plus complexe » (1978 : 69). C’est son besoin de « partir à tout bout de champ » (LF : 12), mais aussi le souhait qu’elle puisse « vivre éveillée le rêve de [sa] vie » (LF : 12), que Jean Désy confie à sa fille Isabelle grâce à ses lettres. Quelques années plus tard, c’est avec elle qu’il entreprend un voyage en Nouvelle-Zélande, raconté dans Nomades en pays maori (2003). Il rappelle de nouveau que cette rêverie éveillée, la quête du dehors également au cœur de la démarche géopoétique, se vit souvent au prix de nombreuses absences :

Partir, c’est frissonner en se demandant si l’on reverra jamais ceux et celles qu’on aime. Mais partir, d’une certaine manière, c’est aussi vouloir se rapprocher de ceux et de celles qu’on aime. Car partir, pour un nomade, ce n’est jamais fuir. C’est plutôt rester en quête (2003 : 11).

36Ainsi, le paysage atlantique prend forme à la lumière de deux forces complémentaires, projetant sans cesse Désy ailleurs tout en l’incitant à plonger en lui afin de cultiver souvenirs et rêveries. Entre ses œuvres se perçoivent indéniablement des échos, dans la multiplicité des départs traduisant non pas une fuite, mais la recherche toujours exigeante de ses racines, qui « flottent librement dans le ciel de ses aventures » (Désy, 2002 : 23).

Notes

1  Voir Hambursin (2005).

2  Les renvois à cette œuvre seront indiqués par la mention LF, suivie du numéro de page.

3  Voir White (1978, 1983, 1994).

4  Sur la préparation du voyage, voir Onfray (2007 : 9-33).

5  Même si Désy affirme dans l’une de ses dernières lettres s’être contenté, pour ce voyage, d’avoir appris le « strict nécessaire » (LF : 132) afin de mieux privilégier la rêverie, les définitions des termes spécialisés du langage marin s’avèrent plus nombreuses au début du récit. D’une part, la destinataire des Lettres à ma fille est une enfant de douze ans, ce qui explique les brèves définitions des types de voile ou de manœuvres. Mais, d’autre part, l’acquisition d’un langage marin densifie le rapport à la voile et à l’espace océanique, contribue à la préparation du voyage et à l’expérience du paysage atlantique : « [J]e navigue pour me mettre en contact avec des mots qui, autrement, ne viendraient jamais cogner contre ma vitre : amure et pataras ou bout-dehors et étarquer. Le point d’amure, c’est le point de fixation d’une voile le plus bas et le plus au vent ; le bout-dehors, c’est la pièce de bois ou de métal qui prolonge l’étrave à l’avant d’un voilier ; étarquer signifie hisser à bloc » (LF : 43).

6  Voir Le Breton (2006 : 23-25).

7  La navigation à la voile implique « la confrontation entre un univers dangereux, hostile, qui peut se dresser à chaque instant contre la coque, et l’aspiration intérieure vers la tranquillité, la domestication. On recrée sa maison, mais au cœur d’un élément sauvage, dans une solitude crénelée de vagues » (Chaillou, [1992] 1999 : 58).

8  Dans une entrevue réalisée par Monique Grégoire pour le magazine littéraire Nuit blanche en 1999, Désy réitère son propos : « Sur un voilier, tu es obligé de descendre en toi-même. Si tu cherches le sens dans l’aventure extérieure, tu butes rapidement sur la limite ; dans l’aventure intérieure, il y a plus d’espace » (Grégoire, 1999 : 6).

9  « Être bercé sur les flots est, pour un rêveur, l’occasion d’une rêverie spécifique, d’une rêverie qui s’approfondit en devenant monotone. Michelet en a fait indirectement la remarque : “Plus de lieu et plus de temps ; nul point marqué auquel l’attention puisse se prendre ; et il n’y a plus d’attention. Profonde est la rêverie, et de plus en plus profonde… un océan de rêves sur le mol océan des eaux”» (Bachelard, [1942] 1993 : 150-151).

10  « Le plus petit élément spatial, le point, se retrouve de manière subreptice dans le point d’ancrage à partir duquel se forme le paysage littéraire. […] Le principe de base demeure le foyer de la perception, que celle-ci soit visuelle, auditive, olfactive, tactile ou – pourquoi pas ? – gustative » (Bouvet, 2011 : 84). « Tout paysage littéraire s’arrime ainsi à un point d’ancrage, un point qui peut éventuellement se déplacer au cours de la description, et fait appel à un schème particulier. Il est impossible de s’interroger sur le paysage littéraire sans tenir compte du vécu, de l’expérience sensorielle, des émotions, bref de sa dimension phénoménologique » (Bouvet, 2011 : 86).

11  Voir Marcil-Bergeron (2013).

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Notice biobibliographique

Myriam Marcil-Bergeron poursuit des recherches sur l’imaginaire scientifique des récits d’exploration sous-marine au doctorat en études littéraires à l’Université du Québec à Montréal, sous la direction de Jean-François Chassay et de Lucie Desjardins. Son mémoire de maîtrise, dirigé par Rachel Bouvet, proposait une lecture géopoétique de La longue route de Bernard Moitessier et des Écrits sur le sable d’Isabelle Eberhardt. Membre étudiante de Figura, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire, elle a été assistante de recherche à La Traversée – Atelier québécois de géopoétique d’octobre 2010 à mai 2013, et en assure la coordination depuis juin 2013.

Pour citer cet article :

Myriam Marcil-Bergeron (2015), « Le paysage atlantique dans Lettres à ma fille de Jean Désy. Entre projection et plongée », dans temps zéro, nº 10 [en ligne]. URL : http://tempszero.contemporain.info/document1325 [Site consulté le 26 November 2023].

Résumé

L’écrivain-voyageur Jean Désy raconte dans Lettres à ma fille (1997) sa première navigation hauturière, qui consiste en une traversée de l’océan Atlantique à la voile. Deux pôles orientent la représentation du grand large dans ce récit, soit la projection du voyageur vers le dehors et la plongée dans ses souvenirs des paysages nordiques et sylvestres. Par une approche géopoétique, cet article vise à examiner les effets du rythme et de la polysensorialité ainsi que la manière dont l’expérience du Nord et de la forêt participe à la configuration du paysage atlantique.

The traveller and writer Jean Désy narrates in Lettres à ma fille (1997) his first ocean navigation, which consists in a sailing across the Atlantic. In this story, two poles orient the representation of the open sea, namely the traveler’s outward projection and his diving into memories from nordic and forest landscapes. Through a geopoetic approach, this article aims to examine the effects of rhythm and polysensoriality, and also how the experience of the North and the forest participates in the configuration of the atlantic landscape.

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ISSN 1913-5963