Evelyne Gagnon
Chronique d’une apocalypse ordinaire
L’Amérique mélancolique de Nicolas Dickner ou Comment survivre avec les rognures de la civilisation
Un désordre dans notre monde
1La mélancolie implique d’entrée de jeu un rapport malheureux qu’entretient un sujet avec l’espace qu’il habite. Le mélancolique entre en relation avec le monde sur le mode de l’inconfort ou du vertige, appréhendant les lieux au sein desquels les objets et les signes s’organisent non sans peine, en saisissant surtout le caractère inhérent de la perte qui s’y dissimule. L’épistémologie même de la mélancolie, au sein des arts, prend notamment sa source dans les nombreuses études (Clair, 2005 ; Klibansky, Panovsky et Salx, 1989) de la célèbre iconographie d’Albrech Dürer intitulée Melancholia I, produite en 1514. On y perçoit l’infinie tristesse d’un ange aux traits humanisés, accoudé dans une sorte de fatigue nonchalante, qui constate sombrement le désordre dans le monde devant lui, un monde devenu incompréhensible par sa démesure et dont la cohérence générale lui échappe désormais. Là se rencontrent les figurations de l’hétéroclite, de la disparité et de l’aléatoire, qui traverseront l’histoire des formes artistiques influencées par de telles humeurs saturniennes. La mélancolie s’avère à ce titre un thème majeur de l’art, on le sait depuis l’Antiquité avec la théorie de la bile noire définie par Aristote, en passant par la diabolisation de cette forme de tristesse accablante au Moyen Âge, jusqu’aux souffrances extatiques des Romantiques du XIXe siècle, atteints de cette maladie de l’âme dont on ne guérit jamais (Clair, 2005). Plus encore,
[l]e mélancolique, disent les cliniciens, manifeste son état psychique dans la difficulté qu’il éprouve à maîtriser l’univers des objets qui l’environnent. Une partie de son angoisse résulte de l’incapacité où il se trouve de réaliser avec un succès total cette aspiration obsessionnelle. L’iconologie traditionnelle, à commencer par la fameuse gravure de Dürer, montre souvent, dispersés en désordre autour du typus melancholicus, des outils dont il ne veut ni ne peut se servir, des livres qui lui sont devenus lettres mortes, des objets qui ne lui sont plus rien. Le désordre atteste le retrait de la force vitale organisatrice (Starobinski, 2012 : 448-449).
2De la nostalgie au spleen moderne, puis à la dépression contemporaine, il n’y aurait que quelques pas ou presque. Or, on ne saurait ignorer, dans la production culturelle récente, la réactualisation de la mélancolie, mais au sein d’un imaginaire contemporain imprégné par le désenchantement, par la lucidité et par une inquiétude liée à un constant « sentiment de la fin » (Chamberland, 2004 : 9-26). Plusieurs travaux majeurs se penchent actuellement sur les modalités de l’« après » (la fin des temps, des utopies, des métadiscours) ainsi que sur les esthétiques « post » : posthistoire déroutante (David, 2008) ou encore posthumanité méliorative (Bradotti, 2013). Dans la littérature contemporaine, on remarque une conscience accrue de la précarité du monde, accompagnée par diverses figures du deuil, « souvent à la jonction d’une catastrophe mondiale (une société, une communauté risque de disparaître) et d’un désastre personnel, s’exprimant d’un point de vue subjectif » (Chassay, 2008 : 9)1. Que ce soit en représentant la mort d’un proche ou la dislocation des liens affectifs à l’ère des technologies, la peur de l’anéantissement de la planète ou de l’humanité, un horizon de finitude semble omniprésent dans de nombreuses œuvres depuis le tournant du XXIe siècle. Ce malaise s’exprime notamment au regard des représentations paysagères, alors que les décors postindustriels côtoient les images médiatiques d’un monde qui se désagrège et que les figurations d’espaces ruinés se multiplient.
3 Dans le roman Tarmac de Nicolas Dickner ([2009] 20112), la perspective pré-apocalyptique devient le cadrage par lequel le sujet construit sa relation avec un monde fragilisé, en voie de disparition, mais cela à l’échelle d’une banlieue nord-américaine ordinaire et sans éclat, hantée par des décors postindustriels. Chaque lieu représenté (le stade de baseball, la piscine municipale, le centre d’achat, l’animalerie convertie en refuge, la Lada qui amène les Randall à Rivière-du-Loup, la cimenterie et son kiln brouillant l’horizon de ses fumées aux allures crématoires) ouvre dans la perspective paysagère une sorte de double fond qui dévoile, sans fracas, son autodestruction proche. Dans ce récit qui s’amorce en 1989, deux adolescents (Hope et Michel, dit Mickey) entrent progressivement dans la vie adulte en réalisant les périls qui menacent la planète, convaincus que la fin du monde approche. Ces rumeurs d’apocalypse révèlent aussi les paysages intérieurs des protagonistes, inquiétés par l’avenir incertain, par la perte de l’enfance, par la folie de certains adultes. Cette représentation d’un monde gangrené par la précarité, on la retrouve également chez de nombreux auteurs canadiens et québécois actuels (francophones et anglophones)3 qui, dans le sillage des écritures intimistes apparues dans les années 1980, expriment cette inquiétude toute contemporaine en optant pour une sobriété énonciative et des tonalités familières. Pensons par exemple aux évocations des menaces écologiques et politiques qui guettent la planète, emmêlées aux dérives affectives des personnages dans Un vent prodigue de Simone Chaput (2013) ou dans L’énigme du retour de Dany Laferrière (2009), cela en utilisant des accents qui évitent tout catastrophisme ou élan emphatique, demeurant à la fois discrets et amusés. Car il s’agit, comme on le constate aussi chez les jeunes romanciers Johanna Skibsrub, Michael Crummey ou encore Kathleen White, de l’énonciation d’une mélancolie en mode mineur (Gagnon, 2015) qui n’exclut pas l’humour ou une forme d’ironie douce-amère. Ces auteurs, auxquels s’apparente le chroniqueur narquois Nicolas Dickner, mettent en acte un soupçon nostalgique qui réinterroge la concrétude de notre rapport au monde en cette ère du numérique et des technologies. Dickner aborde à sa manière cette inquiétude en explorant une conscience intime de la finalité, tirant pour sa part profit de l’énergie ludique de la digression et du potentiel imaginaire de cette posture mélancolique.
Ces visionnaires d’un passé qui approche
4Si Bertrand Gervais parle d’une densification sémiotique et d’une tendance à la distension du temps lorsque l’imaginaire d’une œuvre a pour horizon ce qu’il définit comme une apocalypse intime 4, on remarquera parallèlement que la trame narrative de Tarmac s’élabore tel un faux récit d’anticipation, puisque l’horizon d’attente créé par l’annonce de la fin du monde sera constamment détourné au profit d’une dilatation temporelle qui prolonge l’avant que construit l’univers diégétique. Les projections du lecteur demeurent pour leur part en constant décalage, car ce roman publié en 2011 détruit d’emblée son postulat d’une apocalypse prévue en 2001 : le lecteur sait que la fiction opérera un jeu de dérives et d’esquives de cette fin présumée. On détaille à cet effet le récit de l’amitié qui lie Mickey et Hope entre 1989 et 1991, puis le voyage solitaire de Hope à travers l’Amérique, enfin sa découverte du Japon où elle résidera par la suite, alors que Mickey demeurera à Rivière‑du‑Loup. La fin du monde se trouve donc annoncée le 17 juillet 2001, moment fatidique déterminé par Hope lors d’une expérience répétée de lancement de dés, et date de péremption de tous les sachets de soupe ramen que rencontreront les protagonistes. L’organisation du récit travaille en ce sens à désamorcer cette fin du monde attendue puisque le dernier tiers du roman se situe dans l’après et montre comment le monde continue bel et bien à tourner, entré tranquillement dans le XXIe siècle5. Michel, alors jeune adulte, peine à trouver un sens à son existence, nostalgique de cette amitié qui le liait autrefois à Hope.
5 Les deux premiers tiers du récit constituent de fait une longue analepse : le récit débute en 1989 alors que Hope s’installe à Rivière-du-Loup avec sa mère. Dans le premier chapitre intitulé « Vaporisés », Mickey raconte les premiers mots que Hope lui adresse ainsi :
Je m’apprêtais à énoncer une banalité météorologique lorsque la fille redressa la visière de sa casquette.
− La nuit dernière, j’ai rêvé de la bombe Hiroshima (T : 12).
6La rencontre de Hope figure dès l’abord une menue apocalypse dans la trame de l’existence, auparavant monotone, du jeune narrateur. Il ajoute d’ailleurs : « Un peu endommagé par l’onde de choc, je me suis laissé tomber contre le garde-fou. Tout en épongeant mon front avec un coin de serviette, j’observais furtivement la fille. J’aurais juré qu’elle dégageait un champ magnétique − la radiation de ses 195 points de Q.I. » (T : 14). Bien que l’intelligence phénoménale de Hope soit précisée d’emblée, on peut tout de même s’étonner de la maturité historique et intellectuelle de ces protagonistes adolescents qui, tous deux, commenteront abondamment les dérives de la civilisation tels des sociologues, empruntant une diversité de discours scientifiques fort élaborés. Soulignons à ce titre que l’univers romanesque de Dickner repousse les limites de la vraisemblance en multipliant les « intrigues [qui] s’inscrivent de façon clairement décalée par rapport à l’idée généralement reçue de la vraisemblance représentée dans le roman réaliste et [qui] génèrent une vraisemblance parallèle admettant et encourageant un surcroît de coïncidences » (Otis, 2009 : 26). Si Christine Otis parle à cet effet d’une « vraisemblance poétique ou esthétique propre au roman qui l’instaure » (Otis, 2009 : 26), nous ajouterons que, plus précisément dans Tarmac, Dickner élabore une poétique de l’esquive et du détournement qui concourt à faire perdurer l’acte de narration. Ainsi se développe une distance ironique fertile, basée sur de multiples détournements de la fin, qui permet au surplus d’accorder au narrateur une perspective critique et historique qui surpasse ici les attentes du lecteur.
7 On peut observer cette distance critique et cette distorsion temporelle qu’offre la narration notamment dans l’épisode du « tofu » (T : 90), dont le jeune narrateur de 1989 connaît déjà la popularité à venir. Ainsi le tofu, gagnant du terrain dans le quotidien culinaire de la société nord‑américaine actuelle, participerait-elle selon lui de « l’histoire non écrite de la classe moyenne » (T : 90), cette histoire que Dickner semble manifestement en train de réécrire, suivant le mantra annoncé en exergue du roman : The future ain’t what it used to be (Yogi Berra).
8 Cette dilatation de la perspective énonciative et ce jeu constant avec la fin que permet le littéraire6 se retrouvent au cœur même de la trame narrative de Tarmac. Hope Randall appartient effectivement à une généalogie d’obsessifs envers l’apocalypse : « [D]e génération en génération avec une précision géographique : en arrivant à la puberté, chaque Randall se voyait surnaturellement instruit des moindres détails de la fin du monde − sa date, son heure et sa nature » (T : 18). Ces rumeurs récurrentes d’apocalypse, toutes ultimement avortées jusqu’au moment où apparaît la jeune Hope Randall, auraient conséquemment plongé de nombreux membres de cette famille dans la folie. Si Hope tentera par tous les moyens d’esquiver cette fatalité héréditaire, Ann Randall, sa mère, n’échappe pas à cette tragédie individuelle, sombrant progressivement, au fil du récit, dans une profonde psychose paranoïaque et dans l’alcoolisme. Le narrateur en propose un portrait aigre-doux : « Elle grillait et dévorait et buvait avec une furie consciencieuse, comme si elle tentait de déclencher son apocalypse personnelle envers et contre tout, un jour à la fois. Les petits gains menaient aux grandes victoires » (T : 102). Elle était, précise plus loin le chroniqueur, « sur la voie de l’autodestruction tranquille » (T : 127). Or, on comprendra que l’attitude mélancolique du narrateur ne relève pour sa part pas d’une pathologie, au sens où l’entendrait Julia Kristeva (1987), mais bien d’une attitude productrice. Jean Starobinski a bien montré que l’utilisation du spleen, plus encore depuis Baudelaire qui conféra d’ailleurs à ce terme sa pleine signifiance littéraire, transcende l’égocentrisme atrabilaire − qui autrement mènerait à l’inertie − pour en faire le matériau fertile du littéraire :
Le mot spleen est ici l’indice d’une figuration, d’une mise à distance, d’une « littérarisation » − confirmée par la réussite esthétique du texte, par la dynamique de ses images et de son invention allégorique − qui conjurent le désastre psychique en l’énonçant poétiquement (Starobinski, 2012 : 437).
9Ce travail de figuration, dans Tarmac, s’ancre dans un rapport intime aux espaces nord‑américains, par le truchement de ces paysages revisités de l’adolescence où l’inquiétude tranquille du sujet se mêle à la trivialité d’un quotidien banlieusard. Loin des tonalités alarmistes et tonitruantes, Dickner opte dès lors pour une mélancolie amusée et dérivante, animée par la distance du regard ironique, développant toutes sortes de stratégies discursives qui cherchent à déjouer la violence du réel et l’éventualité de la fin. Sans en faire l’économie, ce désarroi lucide se transforme en dérives langagières créatrices qui désamorcent à maints égards le caractère tragique du topos de la fin (du monde, de tout).
La mélancolie des bungalows : menus portraits de l’Amérique
10Selon Paul Chamberland, tout sujet lucide se trouve désormais confronté à un réel dysphorique − ce qu’il nomme « l’anxiété planétaire » (Chamberland, 2004 : 37) − qu’il faut persister à mettre en scène, mais dans une perspective non catastrophiste7. Si Dickner déploie les figures de l’apocalypse en tous sens, dans son roman, il évite les effets spectaculaires usuellement associés aux scénarios apocalyptiques en vogue (notamment dans la culture populaire cinématographique made in USA), pour privilégier une sobriété énonciative, une simplicité figurative et de subtils déplacements sémantiques. Pascal Riendeau a d’ailleurs souligné cette tendance, notamment à l’œuvre dans Tarmac, à « aller vers la simplicité. En effet, les phrases tendent au dépouillement, les dialogues sont plus nombreux, l’intrigue, moins complexe, le récit, plus linéaire et les chapitres, courts » (Riendeau, 2009 : 123). Car Dickner épouse avant la posture du simple chroniqueur de cette destruction tranquille.
11 Si l’on se réfère à l’histoire européenne des formes artistiques, on se rappellera que les définitions traditionnelles de la mélancolie impliquent des catégories hautement emphatiques où se rencontrent l’extase créatrice du génie et l’accablement dans le désespoir atrabilaire (Földényi, [1984] 2004). L’historien de l’art Jean Clair a fait du peintre Giorgio de Chirico un emblème du XXe siècle artistique et de la mélancolie moderne en ce sens que son œuvre aura su représenter la progressive désillusion des hommes face aux utopies sociales et artistiques qui auraient prétendu jusque-là ordonnancer le monde. De Chirico devient ainsi le
maître de ces perspectives fausses où se croisent les points de vue incompossibles, [des] combinaisons de perspectives accélérées et de perspectives ralenties, installant finalement dans le cube scénique une scénographie qui n’est plus celle d’un espace connaturel au nôtre, habitable et familier, mais celle d’un théâtre d’ombres semé de chausse-trappes et de fausses fenêtres (Clair, 2005 : 443).
12Le peintre illustre ainsi cette conscience malheureuse du sujet moderne, pris de vertige face à cette incohérence d’un monde dont il n’arrive plus à comprendre la mesure, dont les signes semblent désordonnés et aléatoires. Il n’est pas fortuit, au demeurant, que Clair en vienne à la littérature pour expliquer ce rapport mélancolique à un monde de plus en plus désenchanté et désœuvré au fil du XXe siècle8. Denys Riout prolongera ces observations en explicitant que le passage au XXIe siècle sera marqué par une « ère dépressive » où les artistes visuels, désertés des dieux tutélaires, ne croyant plus au génie créatif non plus qu’aux utopies sociales ou politiques, ayant épuisé toutes les ressources de la subversion (héritées entre autres des dadaïstes) désormais dirigée contre l’art même – ces artistes, donc, ne peuvent plus que se tourner vers une mélancolie dégradée, voire une mélancolie trivialisée, « sous le masque de la régression, du grotesque, du monstrueux ou de la dérision » (Riout, 2005 : 62). S’il s’agit là des plus récentes modalités de l’imaginaire mélancolique contemporain, fortement imprégnées par le désenchantement, qu’en est-il alors plus spécifiquement des œuvres qui abordent des représentations liées au territoire (symbolique, géographique) nord-américain ?
13 Tarmac construit de fait l’imaginaire géographique d’une Amérique ruinée, ayant perdu ses idéaux rutilants, mais à partir d’une distance critique et ironique face aux États-Unis, plus encore au regard des énonciateurs francophones9, marginalisés et minoritaires en ce continent majoritairement anglophone. On l’a vu : ce rapport à la précarité du monde contemporain, chez de nombreux auteurs canadiens, s’exprime plus spécifiquement par une diction imprégnée de lisibilité, empruntant des tonalités familières, voire une ironie douce-amère. Dans Tarmac, le narrateur commente sa lecture du journal au sein duquel les dérives de « l’Empire américain » (T : 132 ; je souligne) entrant en guerre contre l’Irak s’entremêlent aux dépêches les plus triviales : « Casé entre la météo et les numéros gagnants de la Mini, un minuscule encadré annonçait l’invasion du Koweït par l’armée irakienne et l’ire subséquente des Très Saints États‑Unis d’Amérique, grands consommateurs de pétrole devant l’Éternel − avec tout ce que ça augurait de moche. Détails en page 47. Et voilà pour le retour à la civilisation » (T : 130). Plus spécifiquement dans Tarmac, cette mélancolie trivialisée se vit à l’échelle d’un bungalow canadien des plus banals, alors que le point de vue du narrateur retourne sans cesse à ces menus tableaux ordinaires, s’attachant à décrire − malgré les rumeurs d’apocalypse mondiale qui pullulent dans les médias − le désespoir tranquille et le quotidien d’« [u]n bungalow nord‑américain parmi tant d’autres » (T : 97).
14 Chez Dickner, une obsession énumérative se déploie également à partir de cette expérience singulière des paysages nord‑américains. On le constate notamment lorsque Hope traverse l’Amérique en autobus dans le deuxième tiers du roman. La verticalité du paysage rejoint ici une forme de défilement infini des signes juxtaposés qui construit un portrait mouvant de l’Amérique, non pas en évoquant la beauté des grands espaces, mais plutôt en montrant le fil continu et déshumanisant de la surconsommation :
Elle regardait défiler le paysage. Champ de maïs, cours à métaux, champ de soya, champ de maïs, incinérateur, cinéparc, parc industriel, Wal-Mart, champ de maïs, concessionnaire Ford, champ de maïs, motel, usine GM abandonnée, terrain vague, gare de triage, champ de soya, parc industriel, centrale nucléaire, champ de maïs, motel, cimenterie, quartiers crasseux le long de la voie ferrée, quartiers crasseux derrière des kilomètres de grillage, parc industriel, rivière, bungalows, gratte-ciel, dépotoirs et multiples petits mammifères frappés de mort violente (T : 153).
15Selon Jimmy Thibeault, la cartographie de la Franco-Amérique, dans le premier roman de Dickner intitulé Nikolski, concourt à exprimer une expérience intime du territoire américain élaborée à partir « d’une mémoire et d’un imaginaire qui se construiraient en marge des “grands récits” traditionnels » (Thibeault, 2011 : 286). On ajoutera que Tarmac élabore une expérience de l’Amérique comme vertige intérieur perpétuel10. Plus encore, cela nous permet de convoquer la formule du chroniqueur Olivier Guez, qui a traversé les États-Unis afin de rendre compte du magistral déclin de cet empire économique et idéologique, en évoquant une forme d’American spleen (Guez, 2012). Si Guez enquête sur le deuil d’une Amérique utopique − ce territoire jadis capable de se renouveler sans cesse par une prospérité et une démocratie florissante −, ses reportages se nourrissent des propos de citoyens (travailleurs, activistes, politiciens, intellectuels) états‑uniens. Les auteurs canadiens, par leur positionnement marginalisé par rapport aux États-Unis, aborderont cet American spleen, mais en mode mineur, par des tonalités et des représentations plus discrètes. En effet, la plupart n’interrogent pas directement cet effondrement spectaculaire de l’Amérique made in USA, leurs écrits explorant davantage un sentiment de la fin intériorisé et lié à des histoires individuelles. Cela explique peut‑être pourquoi la ligne sinueuse qui organise la trame narrative de Tarmac évite la mention directe des attentats du 11 septembre 2001 à New York. Cet événement, hautement traumatique dans l’imaginaire nord-américain, aurait-il orienté ce récit vers un registre tragique qu’il tente d’éviter ? S’agit-il alors d’une stratégie discursive afin de demeurer dans l’ironie douce‑amère (ici portée par la subjectivité adolescente) et ainsi éviter de sombrer dans le sarcasme ou la pleine désillusion ? Pourquoi Dickner cherche-t-il à raconter autrement l’histoire nord-américaine (en mentionnant pourtant une large part de sa réalité objective, tant sur les plans du mode de vie de la classe moyenne que des organisations géopolitiques qui se mettent en place dans les années 1990) en omettant de détailler les attentats de New York ? Ce 11 septembre 2001 qui représente tout à la fois la véritable fin des illusions d’un Nouveau Monde salvateur et résilient, l’effondrement fracassant de l’American dream – en direct à la télévision –, et la défiguration du paysage états‑unien. Il s’agit sans nul doute d’une spectaculaire apocalypse symbolique dans l’imaginaire nord‑américain. On peut alors supposer que chez Dickner, par les détours jubilatoires de la fiction, le fait d’esquiver ce traumatisme historique majeur permet au romancier de focaliser plutôt la narration sur le périple intime d’une jeune femme qui découvre le monde en peinant à accepter la cruauté du réel. La fiction se déploie dès lors par des jeux d’esquives ludiques et offre des plans rapprochés sur une série d’apocalypses intimes. On tend ainsi un fil narratif qui débute par la mention de l’arrivée de Hope à Rivière-du-Loup, en amorce du livre (rappelons la métaphore de la bombe d’Hiroshima, explicitant l’expérience intime de cet impact dans la vie de Mickey), et qui mènera ensuite Hope à traverser l’Amérique, puis à se rendre jusqu’à Tokyo, une ville-Sphinx qui renaît constamment de ses cendres11. Ce parcours propose donc une sorte de trame « historique » parallèle et distordue, aux échos doux-amers, esquivant à tout prix la rencontre de la grande apocalypse destructrice pour privilégier des cadrages inédits sur de petites fins du monde ordinaires.
Du vertige de l’accumulation au fantasme de la vaporisation
16Si Tarmac nous offre, par une succession de plans rapprochés, un portrait bigarré de la civilisation nord-américaine en déclin, ce foisonnement où s’entremêlent une multitude d’objets triviaux se voit représenté par une esthétique de l’accumulation hétéroclite, du patchwork énumératif pourrait-on dire, voire d’une obsession encyclopédique et étymologique envers toutes sortes de détails (la nourriture industrielle, le spectacle télévisuel, les centres d’achat, les maladies virales, les langues vivantes et les langues mortes, les animaux en voie d’extinction, etc.). Suzette Ali remarque à ce titre que le savoir surdimensionné des protagonistes, les nombreuses digressions et énumérations ainsi que la tendance à la nomination (toponymique, commerciale) excessive en viennent à « ébranler la vraisemblance de la représentation du réel contemporain » (Ali, 2014 : 180). L’avalanche de détails (notamment les précisions scientifiques) que l’on croise partout dans ce roman viserait dès lors à justifier une part des extravagances narratives, témoignant d’un désir de réalisme qui se trouve inévitablement envahi, débordé, par la bizarrerie qui caractérise le monde contemporain. Cet éclectisme et cette surcharge des informations et des références semblent du reste se prendre dans la toile énonciative du narrateur, sur le mode du zapping ininterrompu, comme se déploient aujourd’hui les informations sur Internet.
17 Ainsi la mélancolie ne représente-t-elle pas qu’une forme de désœuvrement liée à des espaces désolés ; elle peut aussi s’inscrire dans le trop-plein12, le surplus, le capharnaüm contemporain de la solitude des signes. Si l’énumération tient généralement le rôle d’un faire persuasif (Ali, 2014 : 187), on observera plus spécifiquement que, chez Dickner,
les énumérations détaillées provoquent l’accumulation des objets cités et finissent par morceler l’écriture et la représentation du monde. Les tendances énumératives et cumulatives aboutissent moins à rendre la structure propre du monde qu’à le décomposer, à le rendre plus chaotique (Ali, 2014 : 188).
18Cette solitude des signes, depuis l’avènement d’une forme moderne de mélancolie, Jean Clair l’a étudiée avec brio, montrant comment l’expérience artistique, depuis le tournant du XXe siècle, semble « devenue un instrument de dispersion et de désordre » (Clair, 2005 : 443). Il ajoute qu’elle exprime
la conscience de l’homme d’aujourd’hui qu’aucune loi d’ensemble ne peut plus rabouter les éclats dispersés du visible, et par leur ordonnancement, nous délivrer le sens de leur présence. […] Chaque objet, chaque forme, chaque délinéament d’être apparaît désormais comme enfermé dans sa propre solitude, comme flottant dans une sorte de vacuum sémantique, résidus d’un monde que les dieux et les démons ont à jamais déserté (Clair, 2005 : 443).
19Une autre des modalités spécifiques de la mélancolie contemporaine serait conséquemment celle qui montre le sujet prostré devant l’écran (télévision, ordinateur), envahi par une surcharge ininterrompue d’informations et d’images éparses qui infiltrent sa sphère intime. Or la léthargie du spectateur qui déterminera toute une jeune génération postmoderne fascinée par leur écran, si elle s’avère source d’humeurs acédiaques13, autoriserait également, au sein de la fiction romanesque, une forme de rêverie et de dérives imaginaires fertiles. Le téléviseur, motif omniprésent dans Tarmac, devient un cadrage par lequel le narrateur appréhende les périls du monde, mais permet par ailleurs de concevoir une distance critique, comme on le voit dans ces deux longues énumérations au sein desquelles l’auteur juxtapose, en clôture, un bref énoncé qui agit tel un contrepoint ironique :
Nous avions sans traîner repris notre marathon télévisuel quotidien : des heures et des heures à regarder les actualités, The Price is Right, Three’s Company − et tous ces mémorables navets qui composaient, dixit Hope, un « instructif polaroïd de la civilisation nord-américaine peu avant son annihilation ». Joyeux (T : 123 ; je souligne).
The Nature of Things se termina et, télécommande à la main, je ratissai les canaux. Aux manchettes du Téléjournal, on annonçait encore 30 centimètres de neige d’ici dimanche − et, accessoirement, le procès du capitaine de l’Exxon Valdez, l’ouverture du premier McDonald’s à Moscou et l’entrée des troupes soviétiques en Azerbaïdjan. Hope rigolait (T : 94 ; je souligne).
20Il faut noter que l’accumulation obsessive et la surcharge énumérative − omniprésentes dans l’écriture de Dickner − se révèlent des caractéristiques fondamentales du chroniqueur mélancolique. Dans sa célèbre et monumentale Anatomie de la mélancolie (colligée au XVIIe siècle), Robert Burton explicite cette mélancolie du chroniqueur recevant de toutes parts les petites et grandes rumeurs d’apocalypse qui traversent le monde, et cela dans une très longue énumération (dont nous ne citerons ici que quelques extraits) :
J’entends chaque jour des nouvelles fraîches, ces rumeurs quotidiennes de guerre, pestes, incendies, inondations, vols, meurtres, massacres, météores, comètes, spectres, prodiges, apparitions, prises de villes, sièges de cités en France, Allemagne, Turquie, Perse, Pologne, etc. ; chaque jour ce sont rassemblements de troupes, préparatifs de guerre, toutes les tempêtes qu’apporte notre temps, […] paix conclues, ligues, stratagèmes, et la reprise des combats. […] Telles sont les nouvelles, publiques et privées, qui me parviennent tous les jours ; c’est un monde plein de panache et de misère, réjouissances, superbe, tracas et soucis, innocence et tromperie ; fourberie, vilénie, candeur et intégrité qui se mêlent et s’offrent à nous ; je le côtoie mais privus privatus […] non tant comme juge sagace que comme simple chroniqueur (Burton, [1638] 2005 : 68-69).
21En ce sens peut-on considérer Dickner tel un « simple chroniqueur » mélancolique de son époque, construisant au cœur d’une énonciation foisonnante un portrait intime du passage vers le XXIe siècle. Notons par ailleurs que Dickner a été, pendant plusieurs années, chroniqueur dans un hebdomadaire culturel14, où il posait un regard ludique (avec une distance critique amusée) sur les grands enjeux contemporains tout en nourrissant ses réflexions de ce savoir de l’inessentiel (Riendeau, 2009 : 124) qui prolifère en cette ère médiatique où règne Wikipédia.
22 Cela dit, dans Tarmac, on retrouve une tension constante entre le trop-plein du mode de vie nord‑américain et le désir de faire le vide, d’évider, voire de faire table rase. D’où ce fantasme qu’entretient le narrateur de voir tout ce qui encombre ce monde être subitement pulvérisé afin qu’il se retrouve seul avec Hope. Ce fantasme de désencombrement du réel se met en place dès le premier chapitre, intitulé « Vaporisés », alors que Mickey et Hope discutent des impacts de la bombe atomique d’Hiroshima. Le narrateur conclut alors : « Si je devais me faire vaporiser en compagnie de qui que ce soit, ce serait avec elle » (T : 14). Plus loin, il rêve, lors d’une prolepse fantasmée, à une invasion de zombies dans l’épicerie où il flâne avec Hope, qui produirait enfin ce qu’il décrit comme « un silence industriel », une « quiétude post‑apocalyptique » (T : 91). Mais surtout, qui lui permettrait de se retrouver enfin seul avec elle, sans autre divertissement ni encombrement que ces deux êtres réunis. Il relate, sur le mode de l’allègement, l’instant qui suit l’invasion des zombies :
L’instant d’après, il ne restait que le bruit de la ventilation et une étrange tristesse. Pendant une seconde, Hope et moi avions été les derniers humains au monde. Maintenant, nous étions seulement les derniers humains dans l’allée des produits ménagers (T : 91).
23La littérature semble donc ici avoir pour fonction de montrer cette inconsistance aléatoire des signes ainsi que la petitesse de l’individu par rapport à l’ampleur de ce monde en déroute, grain de sable prêt à être vaporisé à tout moment par les désastres qui guettent l’époque. Pourtant, ce roman expose aussi le désir du lien véritable, d’une réelle proximité, d’un destin qui pourrait ultimement réunir ces deux jeunes errants, par‑delà les dérives des univers chaotiques les ayant engendrés.
Les ruines de l’Histoire
24Le jeune narrateur verbomoteur de Tarmac, englouti par le foisonnement des objets triviaux et des langages médiatiques ou publicitaires, rechercherait donc plutôt des liens intimes, s’attachant à dégager les détails qui sauraient construire une histoire individuelle signifiante. Or, le seul fil de cette toile qui oriente cette possible signification semble précisément la relation de proximité qu’il entretient avec Hope, relation qui se tisse lentement au cœur de ce chaos environnant. Du reste, le prénom Hope est aussi à entendre, au-delà de sa saveur feuilletonesque à l’américaine, au sens littéral : l’espoir auquel le narrateur tente incessamment de revenir, de se raccrocher. Dans ce monde surchargé d’objets inutiles, de discours incohérents, de désespoir historique, la conscience du narrateur se voit prise de vertige, entraînée dans une sorte de défilement sémantique ininterrompu (toutes les informations s’équivalent dans cette absence de cohérence d’ensemble).
25 Malgré le recours à divers discours scientifiques (qui présenteraient une connaissance objective du monde), le romancier utilise parallèlement tout ce qui constitue un savoir de l’inessentiel. Plus encore, les discours scientifiques s’accompagnent fréquemment de remarques qui évoquent, en creux, une profonde crise d’un savoir qui se voudrait globalisant. Le narrateur parle à cet effet de « l’avantage (et l’absurdité) du hasard » (T : 67) qui régirait l’ordre du monde (et ici sa fin éventuelle). Cela n’est pas sans rappeler cette mélancolie du savoir qui, selon Jean Clair (2005), plonge le sujet contemporain dans le désarroi face à cette incapacité d’accéder, désormais, à une compréhension totalisante du monde, et ce, depuis la crise des métarécits et de la culture (Arendt, 1989) ainsi que l’avènement de l’Ère du vide annoncée par Lipovetsky (1989). En réponse à ce désarroi, le narrateur de Tarmac opte pour une perspective rapprochée, cadrant à l’envi le menu, le trivial, l’anodin, le banal. Ce sont du même fait les microrécits, la narration d’histoires individuelles, qui semblent à même de recréer des bribes signifiantes. Voilà entre autres pourquoi le motif du destin (T : 30‑35, 104), qui aurait notamment provoqué la rencontre des deux adolescents, s’avère constamment mis en tension dynamique avec celui du hasard (qui propose un ordonnancement purement aléatoire des choses). Au cœur même de cette aporie, oscillant constamment entre ces deux pôles épistémologiques, l’énonciation se crée à l’évidence un véritable espace de jeu où se déploie un imaginaire mélancolique en mode mineur.
Ma vie minuscule : perspectives paysagères en mode mineur
26À l’évidence, les menus détails qui ponctuent le quotidien et les cadrages sous la forme de plans rapprochés mettent de l’avant la sobriété des paysages. Dans la description suivante, on retrouve les deux flâneurs dans les rues de Rivière-du-Loup après une tempête de neige :
La ville était morte, pas une seule voiture dans les rues. Un front chaud avait roulé sur la région au cours de la soirée et on entendait crépiter la neige. Nous étions (une fois de plus) les derniers êtres vivants du continent, entourés de milliers de bungalows déserts dont les lumières continuaient de s’allumer chaque soir et de s’éteindre chaque matin, activées par une armée de minuteries (T : 143).
27Un peu plus tard, Hope et Mickey retournent au Bunker et s’endorment l’un près de l’autre : « Nos deux corps formaient une minuscule oasis de chaleur dans un univers qui se refroidissait inexorablement depuis 15 milliards d’années » (T : 144 ; je souligne). Ce cadrage sur l’expérience intime évoque le vertige individuel devant la vastitude d’un monde qui va tranquillement vers sa perte. On le voit également dans la description de l’arrivée des Randall (mère et fille) à Rivière-du-Loup (dans une Lada qui va d’ailleurs rendre l’âme sur le bord de la route) qui survient, vers la fin du roman, sous forme d’analepse :
Un flux incessant de trafic frôlait la carcasse sans même ralentir : des Winnebago, des voitures au toit surchargé, des chaloupes en aluminium juchées sur des remorques. Un peuple entier de vacanciers qui revenaient des provinces de l’Atlantique, parfaitement repus, parfaitement inconscients que la fin du monde devait se produire d’un jour à l’autre. […] Et parmi tout ce fatras, dans un coin de la banquette arrière, la minuscule place de Hope − un espace à peine assez large pour caser une jeune fille (T : 227 ; je souligne).
28Cette perspective mouvante, montrant d’abord un large plan descriptif, pour ensuite cadrer la modicité et la solitude de l’expérience individuelle, concourt à mieux appréhender ce réel fuyant, à élaborer par moments une image signifiante du soi. Dans un autre épisode, les deux amis observent leur reflet « dans la vitrine de la coopérative funéraire », alors que Mickey énonce doucement : « Parfois, l’apocalypse semblait toute proche. D’autres fois, elle paraissait très lointaine » (T : 125). Ce parallélisme visuel offre un jeu spéculaire entre les jeunes protagonistes et leur reflet, doublé d’un parallélisme syntaxique qui montre bien cette posture de face-à-face avec la mort à venir, mais sous forme d’une ironie tranquille, car le narrateur précise qu’ils ont plutôt « [l]’air ennuyé » (T : 125). Aussi peut-on lire plus loin :
[L]a Terre orbitait en banlieue, dans un bras galactique insignifiant − de quoi se sentir irrémédiablement en marge des choses. La sensation était troublante mais pas désagréable. Hope et moi n’étions plus seulement seuls au monde, mais seuls dans ce secteur de l’univers. Adam et Ève chassés de l’Éden, exilés d’une planète vierge qui puait le varech (T : 129).
29Car l’apocalypse ne surviendra pas, du moins pas tout de suite. L’auteur laisse plutôt la place à la narration d’une apocalypse ordinaire et inévitable : la fin de l’adolescence et la multiplication des détours afin d’amorcer une vie adulte, autant d’esquives qui traduisent la peur de construire une relation d’intimité avec l’autre.
30 On multiplie à cet effet, au fil du roman, les antithèses entre l’apocalypse (l’Histoire qui se précipiterait vers sa finalité) et les menues catastrophes (ces histoires personnelles qui peinent à se construire) ponctuant le quotidien des deux protagonistes. Ce jeu constant de perspectives permet par ailleurs de centrer la focalisation sur l’expérience intime du temps, comme dans cette scène à la piscine municipale de Rivière‑du‑Loup (constamment menacée de fermeture définitive), qui nous offre des plans rapprochés sur une intimité hésitante :
J’éprouvais un plaisir proprement archéologique à nager dans ces structures vétustes. Nous étions les derniers baigneurs dans les thermes de Rome, quelques mois avant la chute de l’Empire. Les barbares approchaient, et nous profitions du soleil. […] Dans toute la géométrie du vaste univers, il n’existait rien de plus élégant que sa fine silhouette étendue sur une serviette de plage, la courbe de son dos ou la trace de ses pieds mouillés sur le béton. Il me suffisait de la contempler quelques minutes pour sombrer dans une profonde béatitude sexuelle – mais la principale intéressée ne s’apercevait de rien, aveuglée par le soleil, aveuglée par la fin du monde qui s’enflait et grondait aux portes de l’Empire (T : 114).
31Ainsi peut-on mieux saisir la cinématographie de cette apocalypse ordinaire que constitue, ici, un amour naissant et qui n’arrive pas encore à se dire. Autre jeu d’esquive qui préserve de la rencontre avec le réel dans toute sa cruauté, afin de maintenir ce temps de l’avant dans sa bienheureuse possibilité ouverte et inachevée.
Comment survivre avec les rognures de la civilisation
32Par cette narration offrant un jeu constant des perspectives et une dilatation des balises temporelles usuelles, on reconnaîtra sans ambiguïté que l’énonciation travaille à mettre en scène les fondements de l’époque actuelle (le XXIe siècle), en décrivant ce qui, dans les années 1990, s’avère les prémisses et déterminismes du monde contemporain, entre autres défini par un tourbillon médiatique et technologique ainsi que par l’avènement d’une ère numérique où domineront les communautés virtuelles. Précisons à ce titre que la dernière partie de Tarmac raconte le voyage de Hope au Japon, abondamment comparé à une aventure de jeu vidéo, où cette dernière développe « [u]ne capacité croissante à tolérer l’invraisemblable » (T : 180). Hope se trouve alors en quête de l’auteur mystérieux d’un best‑seller (Charles Smith, dit Hayao Kamajii) ayant prédit que l’apocalypse surviendrait le 17 juillet 2001, tout comme elle15. Fait intéressant : ce Japon quasi virtuel, où les rues et décors se transforment mystérieusement chaque jour, présente également des paysages où se profilent, en creux, maints éléments liés à la mélancolie nord‑américaine étudiée précédemment. Autrement dit, cette mélancolie initiale marquée par la fin de l’adolescence, et tant décrite à partir des paysages de la banlieue québécoise, accompagnerait les personnages où qu’ils soient. Si des lieux significatifs à Rivière-du-Loup disparaissent un à un, vers la fin du récit (la piscine municipale est détruite, le stade de baseball s’envole en fumée, tous deux avalés par leur désuétude propre), ils semblent réapparaître progressivement (voire magiquement) à Tokyo au fil même du périple de Hope.
33Ces décors se trouvent donc reconstruits ailleurs, transformés, par un subtil déplacement sémantique. Hope, toujours à la recherche des bureaux du prophète mercantile Kamajii, s’interroge : « Pourquoi aurait‑on installé les bureaux d’une multinationale dans un tel quartier, d’ailleurs ? À la place se dressait un stade de baseball flambant neuf, apparemment érigé pendant la nuit » (T : 210). Ce stade, où évoluent des joueurs qui portent « de vieux uniformes des Swallows de Tokyo trop grands pour eux » (T : 210), provoque chez Hope la réflexion suivante : « [Ç]a ressemblait moins à l’apocalypse qu’à une bande dessinée de Charlie Brown » (T : 210). C’est également à ce moment que Hope rencontre enfin Kamajii, qui arbore « une casquette des Mets de New York » (T : 211) et converse avec elle dans un français remarquable16, conversation alambiquée qui révèle avec une banalité désarmante le caractère imprécis des prédictions du prophète. La narration tire profit de ces détournements ludiques qui prolongent et travestissent le caractère concret de la fatalité, comme c’est aussi le cas du célèbre récit biblique de l’Apocalypse, notamment évoqué quelques pages plus loin depuis la perspective d’une jeune Marie enceinte, tranquillement en route vers Bethléem : « Elle sait des choses que le lecteur ignore. Elle sait qu’il reste encore sept cents pages avant l’Apocalypse » (T : 225). À l’échelle de Tarmac, ce jeu énonciatif se déploie spécifiquement à partir d’une expérience intime d’un monde en déclin. On peut observer cela, à la toute fin du récit, alors que Mickey se trouve dans un non-lieu (Auger, 1992) par excellence, soit le tarmac de l’aéroport de Mirabel, alors en instance de fermeture : « [J]e me sentais en visite parmi des ruines virtuelles − le dosage idéal d’archéologie et de science‑fiction » (T : 257‑258). Voilà qui apparaît du même souffle définir la poétique même de ce roman. Si le narrateur avoue avoir « grandi dans un monde obsédé par l’apocalypse » (T : 234), il réalise ultimement que « la liste de nos périls ressemblait de plus en plus aux ingrédients imprimés sur un paquet de ramen : une liste invraisemblable. Mais nous étions désormais au-delà de toute vraisemblance » (T : 236).
34 Or la poétique de Dickner construit sa propre cohérence interne (Otis, 2009). Tarmac présente une foule de motifs récurrents qui orientent la signifiance, dont celui des rognures qui apparaît à des moments cruciaux du récit. On le rencontre d’abord à la cimenterie que possède la famille de Mickey. Pour assurer la combustion du ciment, on y brûle toutes sortes de rebus qui proviennent du dépotoir de la surconsommation. Le père de Mickey explique ce processus ainsi :
− Des pneus, et toutes sortes de déchets de voiture : vinyle, plastique, caoutchouc. La cimenterie a une entente avec Élisée Ouellet. On chauffe ici avec des restes de solvant, de la graisse usée, des retailles de clabard. Tout ce qui brûle, quoi.
Nous sommes repartis en direction du moulin et de l’empaquetage. Soudainement silencieuse, Hope s’étira le cou pour examiner encore un peu les montagnes de combustibles entassées au pied du kiln. Les rognures d’une civilisation qui se dévorait elle‑même (T : 110).
35Le motif des rognures réapparaît alors que Hope arrive de son très long et éprouvant voyage aérien (parsemé de retards et de détours) vers le Japon :
Pendant une seconde, Hope imagina ses rognures d’ongles envoyées sur une planète vierge et sans vie, comme la Terre à l’époque de la grande soupe primitive. Elle pourrait contaminer ce milieu nourricier, y engendrer de nouvelles formes de vies. On verrait apparaître des unicellulaires, des méduses, puis des poissons vertébrés qui grouilleraient et nageraient et ramperaient, sortiraient des océans, développeraient des technologies et des langages, des religions, des villes, et enfin des civilisations qui se feraient la guerre et bâtiraient des tours en spirale et craindraient la fin des temps. Tout un monde né de quelques rognures crasseuses (T : 171).
36En cela se profile une sorte d’espoir timide, cette soudaine possibilité de tout recommencer, ailleurs, autrement. Voilà ce qui conduira Mickey, devenu le jeune adulte Michel à la fin du roman, à entreprendre lui aussi un périple vers le Japon, afin de retrouver Hope.
37 Si une large part des œuvres canadiennes actuelles affichent, comme on l’a évoqué, une sobriété énonciative, cela s’accompagne également d’une mélancolie diffuse fréquemment liée au territoire nord‑américain (la petitesse du sujet face aux vastitudes géographiques, la nostalgie des lieux revisités de l’enfance), territoire aux frontières mouvantes, où les paysages deviennent des miroirs de la subjectivité. Les paysages de Rivière-du-Loup, dans Tarmac, ploient constamment sous la menace d’être engloutis par une catastrophe ordinaire. Au cœur même de ces paysages postindustriels se profile le sème de leur disparition inévitable, mais cela annonce aussi leur transformation en autre chose, autre part. Ainsi Dickner aborde-t-il l’inquiétude au cœur de notre époque en développant une conscience intime du temps, conscience d’un sujet confronté à l’inévitabilité de la perte, et qui exploite du même coup le potentiel imaginaire, ludique et créatif de cette posture mélancolique. Les protagonistes de Tarmac, par leurs hésitations et leurs parcours dérivants, posent cette interrogation fondamentalement actuelle : comment survivre avec les rognures de la civilisation et comment entrer dans le XXIe siècle en reconstruisant un rapport signifiant avec le monde ? Il faudrait en ce sens admettre, à l’instar du narrateur, de redéfinir ce qui nous rattache au réel et à la durée, à même ce troublant constat : « L’avenir : un concept flou » (T : 250).
Notes
1 Voir aussi les observations proposées dans le chapitre « Les petites apocalypses de John Cassavetes » du même ouvrage (Chassay, 2008 : 89-104).
2 Désormais, les renvois à cet ouvrage seront signalés par la mention T, suivie du numéro de page.
3 Cet article s’inscrit dans le déploiement de mes recherches postdoctorales, qui portent sur les nouvelles formes d’une mélancolie en mode mineur dans la littérature canadienne (francophone et anglophone) depuis le tournant du XXIe siècle et qui ont entre autres abordé la résurgence de la pratique du tombeau littéraire chez de nombreux auteurs, notamment Denise Desautels, Louise Dupré et Paul Chanel Malenfant (Gagnon, 2012b), ou Dany Laferrière (Gagnon, 2015). Un tel champ d’intérêt m’amène également à traiter d’une éthique de la précarité qui refonderait la subjectivité contemporaine (Gagnon, 2012a) sans faire l’économie des figures de l’épuisement et du soupçon mélancolique.
4 Ce phénomène s’avère en effet « représentatif d’un imaginaire de la fin contemporain qui se déploie justement sur une crise du sacré et du religieux. La fin qui est mise en scène, de plus en plus, se replie sur elle-même, dans un Temps de la fin qui n’en peut plus de ne pas finir » (Gervais, 2005 : 56).
5 Sans mention directe de la tragédie du 11 septembre 2001, qui marqua considérablement le passage au XXIe siècle sur les plans historique et politique, élément sur lequel on reviendra plus loin.
6 Pour Didi-Huberman, le processus créateur se nourrit habilement de ce jeu avec la fin, comme c’est le cas dans l’écriture de Kafka : « Ainsi reste-t-il à méditer, à regarder, à écrire au seuil de sa propre fin. Bien sûr, la gravité – ou la mélancolie – de son propre geste ne lui échappe jamais, mais il sait aussi que tout cela est une géométrie, c’est-à-dire un jeu de la forme, un jeu de construction, une ironie construite sur la fin » (Didi-Huberman, 1992 : 197-198).
7 « Le désespoir des hommes de notre époque, pour qui en mesure l’ampleur, la profondeur − sa “radicalité” proprement nihiliste −, est terrifiant. On se sent acculé à l’irrémédiable. Le proche avenir est lourd d’une menace telle qu’elle semble abolir l’avenir. L’avenir se précipite sur le présent en ruine » (Chamberland, 2004 : 50). Plus spécifiquement, « [s]i nous échappons à l’anéantissement de l’humanité, ce sera de justesse. Nous ne le pourrions qu’en vertu d’une ressource si rare, si méconnue qu’elle semble à présent inaccessible. Je n’en propose qu’une figure, celle de l’humilité » (Chamberland, 2004 : 33).
8 « Walter Benjamin, Paul Valéry, Thomas Mann, Mikhaïl Boulgakov − il faudrait aussi évoquer Robert Musil, Edmund Husserl, le Freud du Malaise dans la civilisation : dans une société contemporaine qui, pour user du terme de Max Weber, vit le désenchantement du monde comme la conscience de sa propre condition, la mélancolie prend un autre sens. Conscience survivante au milieu des déchets du vieil humanisme et des produits de sa technologie de masse […], elle ne se rencontre plus que dans l’ordre d’une création solitaire et toujours menacée » (Clair, 2005 : 459-460).
9 Notons que de nombreux personnages américains et européens, rencontrés par les jeunes protagonistes au fil du récit, parlent étonnamment un excellent français.
10 Expérience telle qu’on la retrouve aussi dans une large part de la littérature canadienne (Nepveu, 1998, 2004).
11 Les nombreuses descriptions (géographiques, historiques, mais aussi fabulées et parfois mystérieuses) de cette ville, dans la dernière partie de Tarmac, vont dans ce sens.
12 Jean Starobinski a d’ailleurs consacré des pages lumineuses à ce paradoxe fertile chez Baudelaire, qui situe l’expérience mélancolique dans un rapport discordant à l’espace. Étudiant la série des « Spleen », le critique démontre comment les deux faces complémentaires d’un rapport douloureux au réel se donnent simultanément sur le mode de l’encombrement (vertige du trop-plein lié aux motifs de l’inventaire) et du vide (vertige de la désolation et de la perte) (Starobinski, 2012 : 437‑469).
13 Cela rappelle les réflexions de Fernando Vidal, à l'effet que « [l]a léthargie et l’enfermement psychiques ne sont pourtant pas incompatibles avec une agitation qui s’objective dans l’espace. Dans la tradition iconographique, le mélancolique ou la Mélancolie sont entourés d’objets épars. Ils campent, figés, au milieu d’un bric-à-brac qui les tient captifs, mais dont le désordre trahit une effervescence désespérée » (Vidal, 2012 : 635).
14 Voir à ce titre Nardout-Lafarge (2014).
15 Plusieurs critiques ont à ce titre commenté l’invraisemblance narrative de cette partie du livre (Riendeau, 2009 ; Ali, 2014) en soulignant le caractère ludique de ce récit de voyage auquel le narrateur‑personnage Mickey, logiquement, ne devrait pas avoir eu accès (n’ayant plus reçu de nouvelles de Hope depuis son départ vers l’Asie).
16 Notons que Hope porte aussi une casquette des Mets lors de sa rencontre avec Mickey, dans les premières pages du livre, comme si cette ultime rencontre avec le prophète n’était autre qu’un miroir supplémentaire de ces deux subjectivités dont les lignes de course sont vouées à se rencontrer encore et encore. Chaque représentation ouvre en creux une fenêtre sur le périple intime des protagonistes : atomes en orbite et qui indubitablement se cherchent.
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